Réforme de la zone euro : Un vent d’espoir ?

 

 

 

Dans un contexte marqué par le choc du Brexit, les incertitudes politiques allemandes et le rebond d’une économie encore convalescente, la Commission européenne présente une feuille de route marquant des étapes-clés, réalistes et décisives, en vue de l’achèvement de l’euro[1]. Ce programme manifeste une volonté de réunification de l’Union autour de la zone euro. Les responsables européens devraient maintenant s’en saisir avec détermination. L’accord franco-allemand attendu au printemps sur ce point sera capital.

 

Sur fond de Brexit, la reprise est inégale et les réformes de l’euro restent inachevées.

Le Brexit constitue une opportunité. Le départ du Royaume-Uni modifie en profondeur les équilibres internes de l’Union. Les trois-quarts de la population de l’Union et 86% de sa production sont désormais dans la zone euro. L’Angleterre a par ailleurs longtemps entretenu un flou déstabilisateur sur la construction européenne. En refermant la porte d’une Europe à deux vitesses, le Brexit ouvre celle d’un recentrage de l’Union.

En nette reprise, les économies de la zone euro restent pourtant affaiblies et divergentes. La zone euro reste en effet marquée par la lourde chute de l’investissement. La France se situe au milieu de deux pôles, au Nord et au Sud, fortement divergents quant à la production, au chômage et à la dette publique. Condition de la stabilité de l’euro, la convergence des économies reste à réaliser.

Les réformes de la zone euro doivent être achevées. Entrepris sous la pression de la crise, en 2010, un intense travail législatif a redéfini l’ensemble des outils économiques de la zone euro. Pourtant, le « Rapport des Cinq Présidents » de l’Union de 2015 souligne l’urgence de renforcer la gouvernance économique, pilier fragile de l’euro.

 

Le « paquet » de la Commission pour l’achèvement de l’euro comprend les points suivants.

La création du Fonds monétaire européen. Établi en 2012 par un traité intergouvernemental, le Mécanisme européen de stabilité (MES), arme anticrise de la zone euro, serait transformé en Fonds monétaire européen (FME) et intégré au droit de l’Union. Filet de sécurité pour l’Union bancaire, il interviendrait dans le futur budget de la zone euro, qualifié de Mécanisme de stabilisation, pour protéger les investissements des États membres.

L’instauration d’un Ministre de l’économie et des finances. Cette fonction de Ministre serait créée par une simple fusion des fonctions de Vice-président de la Commission en charge de l’euro et de Président de l’Eurogroupe. Doté ainsi de moyens exécutifs, ce Ministre serait le coordinateur unique de fonctions multiples. Il présiderait le FME et ainsi le budget de la zone euro. Il serait la voix unique de l’euro sur les plans européen et mondial.

Enfin, l’Union bancaire, bien avancée depuis 2012, devrait être achevée avec un programme de réduction des risques et un système européen de garantie des dépôts. L’accès au MES/FME et à l’Union bancaire est ouvert à tous les pays non euro. La perspective clairement dessinée est celle de l’adhésion de tous les pays de l’Union à la zone euro[2].

 

Vers la réunification européenne

Efficacité, rapidité, unité et démocratie sont les maîtres-mots de la feuille de route posée par la Commission sur la table des dirigeants européens.

Efficacité et réalisme. Simple à mettre en œuvre, la création d’un Ministère de l’économie et des finances doté de moyens répondrait à la principale carence de la gouvernance économique : l’insuffisance de la capacité décisionnelle. Le Ministre pourrait ainsi s’attaquer au problème crucial posé par la divergence des économies nationales en accélérant les réformes structurelles et en réduisant les déséquilibres budgétaires et extérieurs. Cet aspect est vu, au Nord, comme le préalable à la mise en place d’un mécanisme de solidarité. Par ailleurs, toutes les propositions de la Commission peuvent être concrétisées sans soulever le spectre d’un changement des Traités avant plusieurs années.

Un calendrier rapide. Le Ministre pourrait être en poste dès l’automne 2019, après les élections européennes. Les nouveaux outils budgétaires seraient intégrés dans le cadre financier post-2020 de l’Union. Pour le FME et le Traité budgétaire, les propositions législatives pourraient être adoptées à la mi-2019.

Une démarche d’unité. Avec ce programme, la Commission tire parti des nouveaux équilibres internes créés par le Brexit et propose de faire coïncider les structures et les outils de la zone euro avec ceux de l’Union. Cela mettrait fin aux visions d’une Europe à deux vitesses, lourde de menaces de fractures. Cette Europe réunie aurait pour caractéristiques : le maintien d’un seul Parlement, mieux informé et consulté ; l’intégration des traités intergouvernementaux et des outils budgétaires de la zone euro dans le cadre juridique de l’Union. Rappelons ici que des huit pays non euro, six sont de futurs membres de la monnaie unique.

 

Les propositions de la Commission répondent au principal danger qui menace la pérennité de l’euro : la fracture économique entre pays. Elles s’appuient tant sur les importantes réformes menées depuis 2010 que sur les préconisations des responsables de l’Union. On attend du Conseil européen de juin 2018 qu’il ne manque pas cette occasion décisive de consolider l’euro, en adoptant les mesures proposées. En promettant, le 15 décembre, un accord entre les deux pays au printemps, Emmanuel Macron et Angela Merkel s’engagent à franchir sur une étape déterminante dans ce sens. Essentielle pour le projet européen, la mise en œuvre de la feuille de route du 6 décembre peut contribuer à endiguer l’inquiétante montée des voix populistes. C’est d’une Europe réunie et forte, qu’il est aujourd’hui question. Une Europe porteuse d’espérance.

 

Docteur ès Sciences économiques, membre de Think tanks européens, l’auteur a récemment publié une étude pour la Fondation Robert Schuman : « Renforcer la gouvernance économique de l’euro », Question d’Europe n° 395, 6 juin 2016.

 

[1] Voir la communication de la Commission du 6 décembre 2017, « De nouvelles étapes en vue de l’achèvement de l’UEM », et les documents joints.

[2] À l’exception du Danemark, en raison de sa clause d’exemption (opt-out) de l’UEM.