Dire qu’on n’a aucune image du carnage pour le JT !

 

 

Snapshot

 

 

Novembre 1997. À  travers les couloirs du studio d’une chaîne d’informations en continu, j’accompagne, d'un pas vif, le présentateur du journal. À son passage, journalistes et techniciens le saluent avec entrain :

- Ça va, Laurent ?

- Oui, oui, alors, tout est prêt ?

- Pas de problème, on assure !

Visiblement, Laurent est populaire. Je note que le ton de copinage employé à son égard est mâtiné d’une déférence certaine. Présentateur vedette, Laurent est le patron. Il n’a pas la quarantaine, il présentera dans quelques mois le JT sur une grande chaîne. Nous poursuivons le tour du studio qu’il a tenu à me faire visiter, avant le déjeuner. La veille, en Égypte, à Louxor, devant le temple d’Hatchepsout, soixante-deux personnes, quatre Égyptiens et cinquante-huit touristes, suisses et japonais pour la plupart, ont été massacrées à la mitraillette et au poignard par un groupe de la Jamaa Islamiya. Laurent croise un technicien-photo et lui lance :

- Alors, les images ?

Le photographe secoue lentement la tête en fermant les yeux une seconde. Si bien servi par l’actualité, comme il aime à dire en ce type de circonstance, Laurent se voit pris à revers par l’embargo des Autorités égyptiennes sur les images du drame. Il déplore qu’aucun paparazzo n’ait organisé une fuite. Quelques instants plus tard, d’une voix forte, il me prend à témoin, au milieu des employés qui s’affairent. J’ai le sentiment qu’il s’estime personnellement lésé :

- Tu te rends compte, vingt-quatre heures après le massacre, on n’a pas la moindre photo, pas la moindre vidéo à montrer au journal ! Tu imagines, on en est réduit à projeter une carte de la région, avec juste une étoile clignotante, pour indiquer l’emplacement exact !

 

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