Les Roms, dit-il, n’ont pas la culture de la propriété

 

Maladies de la pensée

 

- On traite les Roms de voleurs, nous dit en substance un philosophe qui donne sur France culture de longs cycles de conférences, mais que pourrait bien signifier le vol pour des gens qui n’ont aucune culture de la propriété ?

Voilà, la chose est dite, en quelques secondes, entre mille autres, en forme de boutade. À mon insu, je suis pris dans une sorte de saisissement. Implicitement, l’orateur ne nous dit-il pas :

- Englués dans votre esprit petit-bourgeois, vous ne pouvez même pas concevoir un monde sans propriété. Moi, je me hisse d’un cran au-dessus et vous explique que le vol est en quelque sorte naturel chez eux. Dès lors, les critiquer pour ce comportement, c’est se montrer crispé dans ses préjugés.

 

Ce philosophe, ainsi, nous renvoie sèchement à notre statut de petits propriétaires frileux. Nous demande-t-il d’abandonner notre organisation sociale au nom d’un rousseauisme primaire ? Je réalise, mais longtemps après, une fois sorti de l’effet de stupeur où son incidente m’a plongé, que son propos accule l’auditeur dans un système d’injonctions contradictoires. En effet, il nous admoneste, nous les petits possédants timorés, au nom de la tolérance qu’il revendique à l’endroit des Roms. Son timbre de voix laisse passer un léger tremblement, où perce une certaine vulnérabilité. Tout cela se mêle à des intonations assez douces et donne au discours une grande force de conviction.

 

Mais si l’on parvient à sortir du choc de surprise, où ce prêcheur populaire cherche à nous plonger, on doit se rendre à l’évidence. Si le fait de voler est consubstantiel aux Roms, comme il le prétend, alors ceux-ci ne pourront jamais faire partie de notre société. En effet, le respect des lois du pays d’accueil est la condition première de l’intégration. Avec cette sortie provocatrice sur les Roms, notre penseur vient de se livrer à la plus grande généralisation possible : il fait d’un Rom un voleur parce qu’il est Rom. Peut-on stigmatiser plus radicalement ? Ainsi, en prétendant comprendre mieux que nous cette communauté, il prononce contre elle un avis d’exclusion définitif de notre nation.

 

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