Photo envoyée par SMS

 

L’homme regarde la photo que la jeune femme lui a envoyée, attaché à un SMS. Sur l’image, il voit son visage, de trois-quarts avant, c’est l’été, la canicule. Elle a approché sa tête d’un ventilateur, la scène semble se dérouler dans un espace minuscule. Son sourire éblouit.

 

Il note qu’elle a relevé le pouce, posé sur la table pour dire que tout va bien, que tout est OK ! Il repère un i-phone à proximité, peut-être un clavier. Les outils fétiches dont la génération de la communication a d’emblée pris possession. Ce n’est pas sa génération. Il a dû intégrer, lui, au fil des décennies, chacune des phases de l’évolution technologique, essuyer les plâtres des logiciels de messagerie qui plantaient toutes les dix minutes. Le temps d’une nanoseconde, il se dit : cette génération, qui pense que tout lui est dû. Il s’agace lorsque, quand il hésite l’espace d’une micro-seconde devant une commande numérique, on s’empresse, avec tellement de sollicitude, mêlée, pense-t-il, d’une pointe de condescendance, de l’aider à trouver la bonne manip. Puis il regarde à nouveau la photo, l’espace tellement réduit où travaille la jeune femme, cela lui serre le cœur. Il pense : mais nous, au moins nous avions du travail, une place assurée. Le chômage a été multiplié par dix, entretemps. Il regarde à nouveau le visage de la jeune femme, transfiguré par son sourire. La tête est un peu déformée, de par sa position excentrée sur l’image. L’homme se dit : Cette personne a l’envie de vivre.

 

Puis il poursuit le cours de ses pensées, de ses évocations décousues, le flux de quelques émotions désordonnées… L’homme n’est pas jeune. Il a même atteint depuis longtemps le stade de la maturité. Parfois, assez souvent même, il se retourne vers sa jeunesse, son itinéraire, si long, fait de désenchantement, de révolte et de ressentiment. Au terme de ce long parcours, il commence à saisir parfois le sens du mot apaisement. Il regarde à nouveau la photo, et pense : l’envie de se battre, c’est cela le plus important. Il se prend à songer à nouveau. À quoi ? Peut-être à ces années passées, qui ont laissé en lui des traînées d’amertume. Puis, il se dit : mais, se battre, pourquoi se battre, si l’on n’aime pas la vie. Oui, l’envie de vivre, c’est cela l’essentiel.

 

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